lundi 14 mars 2011

Silent Hill : Shattered Memories



Les Silent Hill ont toujours été une de mes séries phares sur console, le genre de jeu qui vous colle des heures à l'écran en vous faisant littéralement oublier vos fonctions vitales primaires et qui vous laissent amoindri physiquement mais heureux une fois qu'on en a fait le tour. Le génie de l'équipe responsable des 4 premiers épisodes a fait beaucoup de bien aux jeux vidéos, leur apportant notamment des scénarios qui sortaient enfin du carcan des grandes productions hollywoodienne en proposant pour une fois un univers original ainsi qu'une intrigue complexe et surtout ouverte à l'interprétation.






La reprise de la série par Climax, une nouvelle équipe, était donc un véritable défi, mais pouvait en même temps apporter une bouffée d'air frais à une série qui commençait à accuser le poids des années, enfermée dans des mécanismes parfois un peu datés. Le premier opus sur consoles portables, Origins, revenait sur les fondements de la mythologie développée par les épisodes 1 et 3 en particulier, avait été reconnu comme une plutôt bonne surprise par la critique et le public, débarrassant le jeu de sa maniabilité rigide tout en conservant l'atmosphère et l'ambiance étouffante de la ville mythique. On était donc en droit d'espérer quelque chose de plutôt bon pour ce Shattered Memories, qui se présentait comme un retour dans l'intrigue du 1er épisode de la série, reprenant l'histoire de Harry Mason, père de famille aimant, parti à la recherche de sa fille Cheryl disparue après un accident de voiture, dans la ville quasi déserte de Silent Hill.


Sequence reloue n°4120

Mais un simple remake aurait été trop simple et sans grand intérêt, le jeu se présente donc comme un épisode radicalement diffèrent du 1er, changeant le gameplay et la structure narrative du jeu pour proposer une expérience totalement nouvelle, même pour le fan acharné de la série que je suis. Le gameplay tout d'abord, tranche avec les habitudes des anciens Silent Hill : Ici pas d'arme ni de combats acharnés avec des monstres, mais simplement un téléphone portable et une lampe. Les créatures de la série sont bien présentes, mais sont complètement invincibles et votre seule solution sera de fuir sans relâche pour leur échapper. Voila une décision qui, sur le papier, semble excellente. En effet, on a pu voir dans des jeux comme Forbidden Siren ou Clock Tower, que si le joueur n'a pas les moyens d'affronter les monstres et qu'il est contraint de se cacher ou de fuir, ceux ci paraissent bien plus angoissants et plus dangereux. Ce type de gameplay se rapproche finalement bien plus du survival horror tel qu'on peut le concevoir en principe. Pourtant ici, c'est complètement raté.

Pour plusieurs raisons : Les monstres n'apparaissent que lors de "séquences d'actions" clairement définies par le passage dans le monde parallèle de Silent Hill. Concrètement, cela signifie que vous ne serez jamais surpris par les créatures, vous pouvez être tranquille et explorer sans crainte tant que vous restez dans le monde réel, et puis vous vous préparez mentalement à courir et à enfoncer des portes comme un damné dès que les choses se mettent à changer. Ces séquences d'actions sont d'ailleurs rapidement une vraie plaie, puisqu'elles vous demandent en fait de tracer votre route dans d'immense labyrinthes gelés et confus, évidemment poursuivi et harcelé de toute part par ces saloperies avec pour seul guide votre GPS qui vous indiquera vaguement le chemin. Lorsqu'on vous demande en plus de ça de résoudre des énigmes à la con en même temps, c'est rapidement très lourd, voire carrément énervant. Le pire avec tout ca, c'est que c'est affreusement répétitif, et qu'au bout du troisième ou quatrième cauchemar, on espère juste que ca se finira le plus vite possible.


Ca c'est un peu le niveau 0 du bestiaire des SH. Et c'est con parce qu'on se les tape pendant tout le jeu

Le reste du gameplay est très classique, voire ennuyeux. Les énigmes ne sont pas nombreuses et rarement compliquées. Là où les précédents épisodes faisaient preuve d'une espèce de logique perverse qui forçait parfois le joueur à réfléchir selon les principes de ce petit monde de cauchemar, Shattered Memories laisse vaguement indiffèrent. Pire, le jeu ayant été pensé à l'origine pour la wii, on se retrouve avec une tonne de scènes complètement inutiles crées pour la wiimote et sa reconnaissance de mouvement. Ai-je vraiment besoin de m'amuser à tirer un rideau pour ouvrir une porte, alors qu'une simple touche X aurait largement suffit et m'aurait épargné 30s de séquence inutile?
Si encore cette fonction était bien exploitée, mais même pas, on se contente de petites séquences chiantes pour ouvrir une boite, ouvrir une armoire, ou décacheter un carton. Pas de réelle collecte d'objet pour résoudre les énigmes, on se contente de trouver LA clef, et d'ouvrir LA porte pour ensuite avancer. Les différents objets qu'on peut trouver tout le long du jeu ne sont de toute façon que des trophées décoratifs, qui ont surement un certain sens au niveau de l'histoire, mais qui restent complètement anecdotiques.

Du point de vu gameplay, Shattered Memories est donc un échec cuisant, avec une volonté visible des devs de rallonger artificiellement la durée de vie du jeu à grand coup de fausses bonnes idées et un reel manque de soin accordé aux vraies scènes d'actions, qui, si elles partent d'un bon sentiment, se révèlent sans aucun intérêt au final.

Mais soyons honnetes, le point fort de la série n'a jamais été le gameplay mais plutôt ses scénarios tordus et et cauchemardesques, qui nous plongeaient sans pitié dans la psyché des personnages de l'univers, de manière parfois littérale. De ce coté la c'est un peu mieux... Mais c'est loin d'être une réussite pour autant.



La narration de ce Silent Hill tranche largement avec les autres épisodes de la série. Les séquences de gameplay "classique" alternent avec des passages en vue subjective, dans lesquels un psychologue vous pose des questions et tente avec vous de remonter le cours de l'histoire. A travers un certain nombre de questionnaires et de tests, ces séances chez le psy définissent un profil psychologique influençant la représentation que vous vous faites de Silent Hill et de l'aventure que vous vivez. Ce principe plutôt intéressant de narration permet quelques surprises dans le déroulement de l'aventure, mais on sent que cela aurait pu être exploité plus en profondeur en permettant de créer une histoire vraiment personnelle, avec embranchements etc.. Il n'en est rien, ces passages chez le psy n'influencent que des détails, des aspects graphiques et autres éléments mineurs du jeu.
Mais outre cet aspect, la construction de l'histoire autour de cette séance de thérapie est plutôt intéressante et vous plonge directement dans le jeu, en vous impliquant directement dans la narration. L'histoire est suffisamment intrigante et mystérieuse pour nous pousser jusqu'au bout, et le twist final, même si il aurait pu être un peu mieux amené et mieux exploité, a le mérite de m'avoir réellement surpris et de permettre un second regard intéressant sur l'ensemble du jeu. La durée de vie est assez faible, et la fin tombe un peu abruptement, mais cela permet de garder l'intérêt tout le long du jeu.

Les thèmes développés dans le jeu sont assez classiques pour des Silent Hill, tournant essentiellement autour du sexe, de la mort et de la folie. J'ai quand même noté une surabondance d'allusions sexuelles par rapport aux autres jeux, qui étaient généralement plus suggestifs dans ces domaines, mais peut être que mes réponses de mort de faim vaguement obsessionnel aux tests psychos ont influencé mon expérience du jeu. Tout semble quand même tourner autour de ça, le héros est d'ailleurs entouré de jeunes filles très ambiguës qui ne cessent de le charmer ou de l'allumer, et au regard de la fin, je ne peux m'empêcher de penser que mes réponses n'ont pas du avoir beaucoup d'influence sur cette orientation du scenario.
Le parti pris graphique, ce Silent Hill gelé et paralysé par une tempête de neige, est assez intéressant et nouveau, dans un univers généralement marqué par les flammes et le metal ardent, mais il peine à enfanter des images aussi marquantes que dans les anciens épisodes. C'est peut être d'ailleurs ce qui m'a le plus peiné dans cet épisode, le manque d'images chocs qui marquent le joueur de manière profonde. Pas de monstre emblématique et symbolique, comme le Valtiel ou Pyramid Head, peu de scènes marquantes, comme le miroir ou le manège "On achève bien les chevaux" de SH3. De plus, si l'on recroise successivement les personnages marquants de la série, ils sont ici repris et largement écartés de leur rôle originel, et vous ne retrouverez aucune trace de la mythologie des premiers épisodes. Pire, Yamaoka est correct, sans plus et aucun thème vraiment marquant ne vient soutenir l'aventure.


Au début ca peut paraitre inquiétant comme coin, et puis en fait pas du tout..

En conclusion, je reste un peu déçu par cet épisode. Il offre pourtant une alternative intéressante et novatrice à une série qui en avait bien besoin, mais l'ensemble manque clairement de maitrise et l'histoire gagnerait à être plus fouillée et plus exploitée pour être vraiment intéressante. J'ai eu le malheur d'y jouer sur psp, et l'adaptation y est particulièrement mauvaise. Je sais que l'expérience aurait été bien plus agréable sur wii et je regrette un peu de ne pas l'avoir testé sur ce support, mais même si le gameplay m'avait paru moins lourd, cela n'aurait surement pas changé ce sentiment de gâchis ressenti tout au long du jeu. Et c'est dommage, parce qu'il y avait vraiment matière à faire quelque chose d'excellent.

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